omment maintenir le dialogue avec une personne qui ne partage pas ton opinion? Voilà une excellente question. Le Barreau de Montréal l’a posée aux élèves dans le cadre du 35e concours La justice a bonne mine. Delice Betukumesu, de l’école secondaire Cavelier-De LaSalle et Ming Hao Sun, du Collège Saint-Louis ont terminé ex aequo pour le deuxième cycle. Andreea Sanziana Grigorescu, du Collège Saint-Louis a pour sa part remporté une mention.
Lisez les réflexions de la lauréate et du lauréat.
Un dialogue efficace
Par Delice Betukumesu
tic toc, tic toc
La montre au mur dans le cours d’éthique est aussi bruyante que jamais
Tu passes l’argument de ton coéquipier sous le microscope
Il y a juste cinq minutes, il se contredisait
tic toc, tic toc
tic toc, tic toc
Un vent froid passe entre vous deux
L’atmosphère est lourde
Il te jette un coup d’oeil hideux
Tu continues à faire l’oreille sourde
Comment pouvez-vous compléter un projet ensemble si vous ne vous entendez pas?
Il refuse de faire un mea culpa
Tu refuses d’abandonner le combat
Il te trouve ignorant
Tes valeurs personnelles refusent ses idées
Ce n’est pas possible de mettre vos différences de côté
Il faut les affronter
Dans la sérénité
Mais comment faire?
Est-il possible de maintenir une conversation avec quelqu’un qui ne partage pas
Le même avis que toi?
La réponse est oui
Les étapes à suivre peuvent se compter sur trois de tes doigts
Étape 1: Gérer ses sentiments
Comment être raisonnable sans être capable de se contrôler?
Il faut avoir une tête froide pour réfléchir
Et réagir
De manière convenable
Afin de faire avancer la discussion
Dans la bonne direction
Très souvent, nos émotions sont le moteur de notre discours
Il faut reconnaître sa subjectivité
Nous avons été forgés par les normes et les valeurs autour
Nous y sommes habitués
Colère, dégoût, frustrations
Fureur, rage et emportement
Il faut tous les mettre de côté
Étape 2: Écouter
La meilleure façon de comprendre l’autre est l’écoute
Il ne faut pas être pressé pour tirer des conclusions
Lorsque la conversation se déroule
Assure-toi de poser des questions
Fais un effort pour mieux comprendre ton prochain
Peut-être sauras-tu d’où son opinion provient
Lui aussi, possède sa propre subjectivité
Le cheminement de son raisonnement a été enraciné par sa collectivité
Étape 3: Construire ton argument
Lorsqu’on passe tout notre temps
Dans un environnement
Où tout le monde partage la même opinion
On oublie parfois
Qu’il y a les autres qui ne perçoivent pas les choses de la même manière que toi
Éviter les généralisations abusives, les explications vagues et une attitude je-sais-tout
Détaille tes sources d’information surtout
Une idée sans faits, valeurs ou données est une idée qui ne possède aucune crédibilité
Étape 4: Comprendre l’importance du dialogue
Cette dernière étape peut être négligée
Il est très souvent minimisé
Mais sa valeur dans l’objectif de maintenir une conversation difficile est importante
Le manque de dialogue peut créer un glissement vers la polarisation sociale
C’est-à-dire, risquer un affrontement entre nos idées fermées et un opposant idéologique
Si personne dans notre société ne s’écoutait
Ce genre de conversation disparaîtrait
Pourtant, son but est de rechercher des repères communs
Où il ne semble avoir aucun
Le vivre ensemble est une question de nuance, modération et compromis
La discussion devrait se clôturer avec un terrain d’entente entre les deux colonies
Finalement, c’est important de se rappeler que le respect se mérite
Il faut toujours donner pour recevoir
Même dans des situations de conflit, l’impertinence et l’impolitesse s’évitentAprès tout, adopter une ouverture d’esprit n’est pas la mer à boire
Le dilemme de la banquise
Par Ming Hao Sun
Il était une fois, dans un monde pas si différent du nôtre, un jeune morse nommé Martin qui vivait en Arctique. Comme la plupart de ses camarades, une journée typique de Martin consistait à chasser, à socialiser avec ses amis et à prendre soin de ses petites défenses qui commençaient tout juste à pousser. Lorsqu’il n’avait rien de plus important à faire, Martin aimait se reposer sur sa grande banquise et profiter d’une sieste bien méritée, activité favorite de plusieurs morses. Un jour, notre mammifère marin commença sa journée dans l’eau pour aller chasser. Martin revint quelques heures plus tard avec un ventre plein ainsi qu’une sérénité phénoménale : après un repas aussi délicieux que le sien, quoi de meilleur qu’une petite sieste douce sur la neige rafraîchissante de sa banquise.
Toutefois, alors que Martin s’apprêtait à monter sur la plateforme, il aperçut soudainement un autre animal. En effet, devant lui s’était couché un ours polaire, ce qui prit au dépourvu Martin toujours à moitié endormi. Le fixant avec des yeux perplexes, il se demanda comment celui-ci se trouvait dans une région où la présence habituelle de telles bêtes demeurait rare. Malheureusement, ses curieuses interrogations furent interrompues lorsque l’ours se réveilla subitement.
Martin, un peu apeuré, racla sa gorge et murmura avec une petite voix :
« Bonjour, monsieur l’ours. La banquise sur laquelle nous sommes présentement appartient en réalité à moi… Si vous étiez bien généreux de trouver un plateau ailleurs, j’en serais éternellement reconnaissant. »
L’ours, étonné par ses demandes, se fâcha et proféra des menaces avant de libérer un grondement assourdissant :
« Jeune morse, cesse de m’importuner! Les banquises appartiennent à tous les habitants de l’Arctique et devraient être partagées. Ce que tu exiges est ridicule! »
Son hurlement fit trembler la glace et Martin, effrayé jusqu’aux os, déguerpit dans l’eau et nagea jusqu’à ce qu’il ait épuisé ses palettes natatoires. Exténué, Martin s’appuya à un morceau de glace pour se reposer. « Le méchant ours a tort de voler ma banquise, je dois absolument la reprendre », monologua-t-il avec frustration. Alors Martin élabora un plan pour vaincre l’ours polaire : il surmonterait sa peur et le convaincrait de partir.
Quelque temps plus tard, l’ours polaire, toujours allongé sur la banquise, aperçut le mors une seconde fois.
« As-tu changé d’avis? » demanda la bête blanche.
« Monsieur l’ours, voyez-vous, cette banquise me tient beaucoup à coeur. Il s’agit précisément de l’endroit où j’ai appris à nager pour la première fois. Par conséquent, j’espère pouvoir obtenir votre sympathie », insista Martin.
L’ours le regarda brièvement, puis déclara :
« Je comprends absolument les raisons qui te poussent à agir ainsi. Cependant, sache que je ne changerai point ma décision. Peut-être que tu comprendras un jour, jeune morse. »
Malgré ces paroles, Martin ne comprenait pas l’ours. Son plan méticuleux avait échoué et sa possession privilégiée était perdue à jamais. Acceptant sa défaite, il posa une dernière question avant de partir :
« Monsieur l’ours, pourquoi êtes-vous si loin de vos territoires traditionnels? »
Le grand animal soupira et dit :
« À cause de raisons que j’ignore, les banquises sur mon territoire ont commencé à fondre. Au fil du temps, de plus en plus de mes confrères ont été obligés de migrer ailleurs, alors que d’autres, moins fortunés… Tu ferais sûrement la même chose si tu étais à ma place, jeune morse. »
À la suite de sa confession, Martin resta ému. En effet, il se rendit compte que devant un désaccord d’opinions, l’important n’est pas de réfuter le plus possible les idées des autres ou de vaincre ceux-ci, mais plutôt d’ouvrir son esprit, de se mettre à la place des autres et de comprendre pourquoi ils pensent ainsi. Après tout, il n’existe souvent guère de bonnes ou de mauvaises idées, mais des points de vue différents qui sont autant valables.
Martin s’excusa sincèrement et accepta l’offre de partager la banquise. Ainsi, c’est à ce moment que les deux mammifères devinrent de bons compagnons et que Martin, jeune morse maintenant sensé, apprit une leçon précieuse.

