L’analphabétisme, un géant qui se dompte

(06 octobre 2021) – Yelli Kolibaly, une élève du programme d’alphabétisation du CEA de LaSalle est lauréate québécoise du Prix d’alphabétisation du Conseil de la fédération 2021. Dans son édition du 6 octobre, le Messager de LaSalle lui rend hommage. Mieux que ça, il lui consacre la une. 

Arrivée au Québec il y a quelques années, la mère de quatre enfants travaille comme aide générale dans une maison de retraite et étudie à temps partiel pour apprendre à lire et à écrire. «Je me sentais vulnérable et j’avais une boule dans l’estomac à chaque fois qu’on me demandait de remplir un formulaire», écrit-elle dans une lettre adressée au jury (son texte, très touchant, est présenté ci-dessous). Petit à petit, elle réalise des progrès, gagne en autonomie et arrive même à aider ses enfants lorsqu’ils font leurs devoirs. Son courage et sa ténacité n’ont pas manqué d’impressionner le jury qui lui a remis la palme.

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Montréal, le 30 juin 2021

Objet : Candidature au Prix d’alphabétisation du Conseil de la fédération pour le Québec

Madame, Monsieur, 

Avez-vous déjà été visité dans votre sommeil par un géant dès  l’âge de 4, 5, 6, 7 ans ou plus ? Le mien apparaît chaque jour dans des lieux comme l’hôpital, l’épicerie, la banque, le restaurant et j’en passe.

Je me sentais vulnérable et j’avais une boule dans l’estomac à chaque fois qu’on me demandait de remplir un formulaire. Ce handicap m’empêchait d’avancer professionnellement. Pour combattre mon géant, j’ai décidé d’aller à  l’école.

Efforts

Avec l’aide d’une amie, Aimée, nous avons trouvé une école non loin de chez moi, le centre Clément de LaSalle, mais l’école ne donnait pas les cours du soir, il fallait trouver une autre école. Après des recherches, j’ai trouvé le centre CÉDA. À cause du manque  d’apprenants,  l’école a décidé d’arrêter  les cours du soir. J’ai insisté auprès d’eux pour me permettre de continuer les cours. Après un moment d’insistance, ils m’ont trouvé une dame au grand cœur, Pauline, qui voulait faire du bénévolat. Après quelque temps, elle a eu un problème de santé. J’ai dû arrêter   encore les cours. Je suis retournée au centre Clément pour une deuxième tentative, mais j’ai remarqué que les horaires étaient les mêmes que la première fois. Je ne voulais pas arrêter le travail, étant donné que mon conjoint était encore aux études, mon travail était la seule source de revenus pour la famille. Une conseillère d’orientation du centre Clément a appelé à mon travail pour demander à assouplir mon horaire, mais ça n’a rien donné. Alors le centre a décidé de me donner une chance d’aller à l’école. Au départ, je voulais que mon conjoint finisse ses études, mais les choses ne se passaient pas comme prévu, alors j’ai décidé de commencer les cours sans attendre. Je suis  partie à  l’école malgré tout.

Sacrifice

Désormais, je dois travailler 10 jours en ligne pour avoir une fin de semaine sur deux, et mes deux jours de congé, mardi et mercredi une semaine sur deux, je suis au centre Clément. La conseillère a trouvé le centre Lettre en Mains, j’y vais tous les lundis et mardis après le travail. Après le travail, j’ai 30 minutes avec ma famille et ça me prend 1 heure 30 en été et 2 heures en hiver pour me rendre au centre Lettre en Mains. À mon retour du centre, tout le monde dort. J’ai très peu de temps pour mes enfants, mon conjoint et mes amies, je dois étudier constamment à la maison. Je ne  peux pas participer aux activités scolaires de mes enfants. Ça fait maintenant 2 ans que je fais ce programme.

Récompense

Grâce à tous ces efforts, je peux gérer mes comptes bancaires, je suis plus confortable maintenant à l’épicerie. Je peux aider ma plus jeune fille avec ses exercices d’école. À présent, je peux aussi lire le nom des rues, aller à la bibliothèque, me servir d’un dictionnaire, je comprends les phrases de base, je peux faire des recherches sur Internet. Les enfants sont fiers de moi, car désormais j’arrive à me rendre dans les menus de la télé sans leur aide. Je peux maintenant écrire mes messages toute seule. J’arrive à m’épanouir au travail parce que je peux faire des comptes d’inventaires, remplir des formulaires, etc. Mes quatre  enfants et  mon conjoint sont un grand soutien pour moi.

Conclusion

Si l’analphabétisme était une maladie, je dirais que je suis en voie d’une  guérison certaine ! Aujourd’hui, mon géant est moins impressionnant qu’avant, et je suis prête à marcher jusqu’au bout de la Terre pour le faire disparaître pour toujours ! Je vais continuer les études si possible jusqu’au secondaire cinq. Je suis reconnaissante envers l’école le centre Clément de LaSalle et le centre Lettre en Mains de Rosemont  parce que grâce à elles, aujourd’hui à bientôt 42 ans, je peux lire et écrire. J’ai pu  également  faire ma demande de citoyenneté. 

Yelli Coulibaly

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